• Rue Bouteille (Lyon)

    La petite fille qui a passé la porte cochère pour se rendre à son école à l'angle de sa rue sautille sur les pavés en ayant soin que ses petits pieds ne débordent pas sur chacun d'eux: "ne-pas-mar-cher-sur-les-traits!" se dit-elle dans ses sautillements. Un toc qu'elle a pris et qui lui fait penser que si elle déroge à cette règle imposée, quelque malheur pouvait se produire. Un toc qui partira avec l'âge...quand l'âge aura fait disparaître fées, ogre et grand méchant loup.
    Mr. Maurin est devant son épicerie et comme chaque matin il balaie le devant de sa boutique...

    Rue Bouteille (Lyon)

    (Devant l'épicerie de mr. Maurin,1995)

    " Bonjour petite!"
    Mr. Maurin porte une grande blouse. Est-elle bleu marine ou noire? Difficile à dire tant les souvenirs anciens remontent en noir et blanc pour je ne sais quelle raison.
    La petite fille fait toujours les courses du jour chez lui, seul épicier dans cette rue Bouteille. Un jour, le filet de provisions à la main, une drôle d'idée lui est passée par la tête... et si pour aller chez lui elle marchait à reculons? Bien mal lui en prit car elle n'avait pas vu la fin du trottoir et fera une belle chute. Mr. Maurin était sorti de la boutique sûrement aux cris de la petite.
    _ Tu t'es fait mal?
    Cramoisie, honteuse, elle avait préféré nier le contraire.
    Elle aimait sa petite rue et son univers qui ne bougeait pas. Elle aimait beaucoup s'arrêter devant cet atelier dont la façade était semblable à celle de mr. Maurin...elle appuyait presque son nez sur la vitre opaque d'être si sale, si poussiéreuse pour regarder les ouvriers travailler à elle ne savait quoi, mais surtout elle aimait lire ce poème qui y était collé. " La prière du chien" était son titre.
    Et la petite fille restait bien pensive à chaque fois.
    "Alors les chiens aussi doivent faire leur prière?" Pourtant elle ne les voyait pas le dimanche à l'église. Elle était restée avec cette interrogation, n'ayant jamais demandé des explications et se forgeant elle même parfois ses réponses.
    Cette petite rue était une ville à elle toute seule, avec sa crémière où on lui prenait le lait frais et les oeufs, sa boulangère et "les petits vieux" comme on les appelait qui eux, vendaient les journaux dans une minuscule boutique où revues, livres, papiers étaient épars sur le sol faute d'étagères suffisantes.
    On n'avait pas grand chose de plus à demander car derrière notre rue, les halles de la Martinière fournissaient le reste du quotidien et pour des achats plus importants et occasionnels il y avait le Grand Bazar qui émerveillait la petite fille au moment de Noël de tant de joujous.

    Rue Bouteille (Lyon)

    (devant la boulangerie de la rue Bouteille en 1995 avec les gones)

     

    Rue Bouteille (Lyon)

    (la même boulangerie en 2010)

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  • Commentaires

    1
    pontdevie-pivoine
    Dimanche 21 Septembre 2014 à 09:59

    Que de merveilleux souvenirs !

    Ma rue, c'était la rue Paul Bert, j'habitais au numéro 7, un pavillon insalubre, mis à la disposition de notre famille par les employeurs de mon père, charbonnier.

    J'étais une petite fille solitaire, élévée trois an en Auvergne par ses grands parents, choyée par eux et ensuite ramenée chez mes parents et découvrant une petite soeur dont on s'occupait en permanence. Je me suis isolée, enfermée. J'avais l'impression d'avoir été abandonnée et reprise comme un objet.

    Mon terrain de jeu de solitude c'était la cour, les hangars de charbon et l'immense jardin situé au fond, un petit coin de paradis.

    Dans ma rue, il y avait un café, où mon père passait ses soirées avant de rentrer quand ma soeur allait le chercher, éméché d'avoir trop caressé la bouteille. Je n'y allais pas car il ne me supportait pas et je savais qu'en rentrant ce serait ma fête.

    Dans ma rue il y avait aussi Madame Buzenval, l'épicière, une femme toute ronde avec un immense tablier blanc jusqu'en bas des pieds. Je me souviens de sa poitrine qui dépassait sous ses bras, ce qui la faisait se tenir comme un playmobil. On lui achetait le courant, on ramenait les bouteilles de verre pour les consignes. C'était la caverne d'Ali Baba. Elle vendait des bonbons dont nous n'avions pas le droit, alors quand ma mère m'envoyait faire les courses, je prenais un "aspire-frais", ce petit sachet, comme un paquet de levure,  avec un petit bâton tube en réglisse pour le percer et aspirer une poudre qui piquait la langue. Comme ma mère faisait mettre sur une liste qu'elle payait à la semaine, je pensais que ça ne se verrait pas, seulement Madame Buzenval notait tout et quand ma mère découvrait, elle le répétait à mon père et c'était les coups.

    Dans ma rue il y avait aussi le marchand de chaussures, monsieur Burezi. Il vendait de tout, je rêvais devant les chaussures que portaient mes copines d'école car nous, on avait droit aux chaussures marron "de chantier", des montantes épaisses avec des lacets accrochés sur des crochets. On nous prenait toujours une ou deux tailles supplémentaires pour qu'elles fassent deux saisons, on y mettait des semelles. Puis quand elles n'aillaient plus à l'un, elles servaient pour le suivant, c'était du solide. J'avais la chance d'être l'aînée alors, j'avais des chaussures neuves mais j'avais la honte, j'étais la seule à l'école à porter ces "godillots".

    Dans ma rue Paul Bert, il y avait aussi un endroit bien particulier qu'il était interdit d'approcher : "la cour des miracles". Sur rue, une arche qui donnait dans une cour dans laquelle on voyait des maisons collées les unes aux autres, avec les escaliers de bois, du linge qui pendait partout et des gens sales. La cour était en terre, tout était de guingois. On aurait dit l'antre des "misérables". C'est là qu'habitaient les chiffonniers, ramasseurs de tout et de rien. Tous les matins de très bonne heure, un homme tirait une charrette pleine de cochonneries, et pénétrait dans cette cour interdite. Il en ressortait le soir avec la charrette vide. Les enfants de cet endroit jouaient entre eux dans leur cour. Certains allaient à l'école le corps sale, les ongles noirs et les cheveux collés.

    Dans ma rue, un peu plus loin, sur le même côté que nous, il y avait un très grand espace avec un pavillon en mauvais état, c'était le ferrailleur avec ses mauvais garçons. Si bien que pour se rendre à l'école, au bout de la rue, il fallait slalomer d'un trottoir à l'autre pour éviter les endroits non fréquentables.

    Il y avait aussi l'usine qui fabriquait des livres, il y avait la gardienne, une mama italienne, qui accueillait sa petite fille le jeudi pour regarder la télévision, Rintintin ou Zorro. Ma soeur était copine avec cette fille, Linda" et nous avions le droit d'aller voir la télé, que nous n'avions pas, chez cette femme. Pour moi c'était un émerveillement, un honneur. On se tenait bien, on ne bougeait pas. Ma mère nous faisait un gâteau pour le goûter.

    Voilà en gros quelques souvenirs de ma rue.

    Très bon dimanche. Ici, après la chaleur étouffante d'hier, c'est le brouillard et la pluie.

    Je te souhaite un très bon dimanche et je te fais des bisous. Mon Coca envoie des léchouilles à tes toutous.

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